Le nouveau décret, qui entrera en vigueur le 1er septembre 2023, est-il une si mauvaise nouvelle pour les entreprises étrangères désireuses de se porter candidate aux appels d'offres marocains?
1. La "préférence nationale" n’est pas une nouveauté
Dans le décret n° 2-12-349 du 20 mars 2013 (2), dernier grand texte adopté en matière de marchés publics, abrogé par le nouveau décret, un article 155 prévoyait que l’acheteur public pouvait, sous certaines conditions, majorer d’un pourcentage ne dépassant pas 15% les offres de prix des entreprises étrangères soumissionnant aux marchés de travaux et d’études y afférentes.
Une nouvelle étape a ensuite été franchie avec le décret n° 2-19-69 du 24 mai 2019, modifiant le décret du 20 mars 2013, qui a rendu la préférence nationale obligatoire.
2. Le nouveau décret renforce les mécanismes de préférence nationale
2.1. Le système de majoration du montant des offres sort transformé de la réforme
En premier lieu, l'article 147 du nouveau décret élargit le champ d'application de la préférence nationale : "Lorsque des concurrents non installés au Maroc soumissionnent aux marchés de travaux, de fournitures ou de services, une préférence est accordée, lors de l'évaluation des offres financières, aux offres présentées par les concurrents installés au Maroc, sous réserve du respect des engagements pris dans le cadre d'accords internationaux dûment ratifiés par le Royaume du Maroc".
Le dispositif ne concerne plus seulement les marchés de travaux et d'études y afférentes, mais inclut désormais les marchés de fournitures et de services.
En second lieu, le nouveau décret complexifie le système de majoration des offres, à l'aune de la méthodologie de l'évaluation des offres financières qu'il met par ailleurs en place.
Pour comprendre le nouveau fonctionnement de la préférence nationale, il convient de garder à l'esprit que le décret, dans son article 44, institue un mécanisme dit du "prix de référence".
L'offre la mieux-disante est celle qui est la plus proche du prix de référence par défaut. En cas d'absence d'offres inférieures au prix de référence, l'offre la mieux-disante est celle qui est la plus proche par excès de ce prix.
L'article 147 du nouveau décret articule le système de la préférence nationale avec le mécanisme du prix de référence de l'article 44 :
"(…) le montant de l'offre financière présentée par le concurrent non installé au Maroc est:
- minoré d'un pourcentage fixé à quinze pour cent (15%), lorsque le montant de cette offre est le plus proche par défaut du prix de référence et qu'il existe des offres présentées par des concurrents installés au Maroc inférieures à ce prix de référence;
- majoré d'un pourcentage fixé à quinze pour cent (15%), lorsque le montant de cette offre est le plus proche par excès du prix de référence, en cas d'absence d'offres inférieures à ce prix de référence;
- majoré d'un pourcentage fixé à quinze pour cent (15%), lorsque le montant de cette offre est le plus proche par défaut du prix de référence, dans le cas où les offres présentées par les concurrents installés au Maroc sont supérieures à ce prix de référence."
En ce qui concerne les marchés de services portant sur les études, le montant de l’offre financière présentée par le concurrent non installé au Maroc est majoré d’un pourcentage fixé à 15%.
2.2. Le nouveau décret permet de recourir à un appel d'offres national
L'appel d'offres est dit "national" lorsque seuls les "concurrents installés au Maroc" sont admis à y participer (article 19).
Le recours à l'appel d'offres national est cependant soumis à des conditions :
- lorsqu'il s'agit d'un marché de travaux, le montant estimé du marché doit être inférieur ou égal à 10 millions de dirhams hors taxes ;
- lorsqu'il s'agit d'un marché de fournitures et services, le montant estimé du marché doit être inférieur ou égal à 1 million de dirhams hors taxes.
2.3. La réforme vise aussi à favoriser l'économie locale en privilégiant les petites et moyennes entreprises marocaines
Le maître d'ouvrage est tenu de réserver un pourcentage de 30% du montant prévisionnel des marchés qu'il compte lancer, au titre de chaque année budgétaire, aux très petites, petites et moyennes entreprises installées au Maroc, aux coopératives, aux unions de coopératives et aux autoentrepreneurs (article 148).
(1) Bulletin Officiel n° 7176 du 9 mars 2023 (version arabe) ; Bulletin Officiel n° 7184 du 6 avril 2023 (traduction officielle), publié sur le site du Secrétariat Général du Gouvernement (SGG) le 4 mai 2023.
(2) Bulletin Officiel n° 6140 du 4 avril 2013 (traduction officielle).